« Il faut que le droit entre dans la loi ». Victor Hugo.
Six ans après son entrée en vigueur, l’application de l’une des dispositions majeures de la loi SAPIN II est sur le point d’être étendue.
Afin d’apporter plus de transparence dans les activités d’affaires publiques, un répertoire des lobbies avait en effet été instauré par l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, loi dite Sapin II. Ces dispositions visaient à promouvoir la transparence de la vie publique (notamment en matière de commande publique) par l’obligation portée aux représentants de se déclarer à un répertoire national tenu par la Haute Autorité de Transparence de la Vie Publique (HATVP).
Dans un rapport du 17 novembre 2021, la HATVP a réalisé un bilan de sa gestion du répertoire des représentants d’intérêts. Au 1er juillet 2021, pas moins de 2 300 entités étaient inscrites sur ce répertoire et près de 40 000 activités de lobbying avaient été déclarées. Si ce registre commence indéniablement à produire ces effets, il est n’est toutefois pas aussi exhaustif que ses créateurs l’avaient espéré. En effet, le champ des entités concernées par le registre est pour l’instant limité aux seuls décideurs exerçant des responsabilités nationales. Or, la loi Sapin II avait également prévu que les interventions auprès des responsables locaux (élus, agents, collaborateurs d’élus) fassent l’objet d’une inscription sur le répertoire de la HATVP. Toutefois cette disposition ne s’appliquait pas encore. En effet, alors que le législateur avait initialement prévu d’imposer cette obligation aux représentants d’intérêts à compter du 1er juillet 2018 puis du 1er juillet 2021, c’est finalement au 1er juillet de cette année que s’appliquera l’extension locale de cette disposition.
La loi Sapin II est donc sur le point de franchir un cap majeur dans sa mise en application. Certes, la pleine effectivité des dispositions législatives relatives à cette question est le gage d’une meilleure lutte contre la corruption, démystifiant la réalité du lobbying aux yeux du grand public. Il est toutefois à garder en ligne de mire les causes qui ont poussé le report de l’élargissement de cette obligation. En effet, celles-ci n’ont vraisemblablement toujours pas été résolues. Parmi elles, la crainte d’une moins bonne lisibilité des informations déclarées sur le registre, la question de mesures disproportionnées qui risquent de peser sur certaines entités de petite taille ou encore une probable baisse d’efficacité dans les moyens d’accompagnement de la Haute Autorité envers les représentants d’intérêts. Les responsables politiques locaux y ont également vu une mesure de défiance à leur endroit en faisant peser sur eux un soupçon de conflits d’intérêts.
Avec beaucoup de pédagogie, la HATVP a ainsi su faire comprendre à toutes les parties prenantes la nécessité d’une telle démarche favorisant la démocratie locale. Depuis le début de l’année 2022, cette institution a mis en place de nombreuses formations et sessions d’informations à destination des représentants d’intérêts. Le 9 février dernier, plusieurs dizaines d’avocats participaient à un webinaire, assuré par le directeur des publics, de l’information et la communication de la HATVP. Depuis lors, plusieurs tests d’ergonomie sont réalisés pour faciliter les déclarations des représentants d’intérêts. La Haute Autorité veut simplifier ces démarches afin qu’elles soient intégrées au fonctionnement normal des cabinets des représentants d’intérêts.
Espérons que les professionnels de ce champ d’activité adhèrent à cette démarche jusque-là perçue comme technocratique. L’avenir nous le dira.
Gaëtan VERNEY.