CE 10 février 2022, CHU de Pointe-à-Pitre, 456503, classé A

L’article R.557-3 du code de justice administrative (CJA) introduit par le décret du 30 décembre 2019 (2019-1502) portant application de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 met en place un nouveau type de référé : le référé « Secret des affaires ».

Cet article dispose « Lorsqu’il est saisi aux fins de prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, le juge des référés peut prescrire tout mesure provisoire et conservatoire proportionnée, y compris sous astreinte. ».

Le secret des affaires est défini à l’article L.151-1 du code de commerce, comme toute information répondants aux critères cumulatifs suivants :

  • L’information doit être secrète
  • Elle doit avoir une valeur commerciale effective ou potentielle
  • Elle doit être protégée de manière raisonnable par son détenteur

Cette précision du « Secret des affaires » est importante car dans les faits, le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Abymes a confié à la société ACAOP et ses dirigeants, une mission d’audit et d’assistance à maitrise d’ouvrage pour la passation des marchés d’assurance du groupement hospitalier territorial de la Guadeloupe. Le 10 mai 2021, le CHU lance une consultation, avec l’assistance d’ACAOP, une consultation ayant pour objet des services d’assurance pour le centre hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante.

Sur le fondement de l’article R.557-3 du CJA et donc du référé « Secret des affaires », la Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM) qui est candidate à l’attribution de différents lots, demande au juge des référés du TA de la Guadeloupe d’interdire l’accès, de la société ACAOP, à l’ensemble des documents déposés par les candidats et de l’exclure de la consultation. Par la suite, le juge des référés par ordonnance, enjoint le CHU d’interdire par tout moyen l’accès de la société ACAOP à l’ensemble des documents déposés par les soumissionnaires et suspend l’analyse des offres.

Le CHU de Pointe-à-Pitre se pourvoit en cassation contre l’ordonnance prise par le juge des référés.

Le CHU a conclu avec la société ACAOP un marché d’assistance à maitrise d’ouvrage pour la passation de ses marchés d’assurance. Il n’est pas contesté devant le juge du fond que la société ACAOP intervient pour le compte de la personne publique et donc que son dirigeant et ses personnels sont tenus à une obligation professionnelle de confidentialité dans le cadre de l’exécution de ce marché.

Le Conseil d’Etat retient que le juge des référés n’a pas tenu compte de l’obligation de confidentialité à laquelle est tenu l’assistant à la maitrise d’ouvrage, en l’espèce la société ACAOP, pour l’analyse des offres dans l’appréciation du risque d’une atteinte imminente au secret des affaires. Par conséquent, l’ordonnance du juge des référés doit être annulée.

De plus, le Conseil d’Etat précise que les relations étroites alléguées entre l’assistant à maitrise d’ouvrage avec un autre candidat ne suffisent pas à caractériser, par eux-mêmes, le risque d’une atteinte imminente au secret des affaires. Cependant, il appartiendra au requérant de faire valoir devant le juge des référés précontractuel, s’il s’y croit fondé, toute violation par le pouvoir adjudicateur du secret des affaires ou de l’impartialité à laquelle celui-ci est tenu.

Le Conseil d’Etat rejette donc les demandes présentées par la SHAM, et annule l’ordonnance du juge des référés du TA de la Guadeloupe.

 

Paul Thiollier.

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