Tribunal des conflits : Lecture du lundi 10 janvier 2022 N° 4231
Mentionné aux tables du recueil Lebon
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/TC/decision/2022-01-10/C4231
Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée […]
Une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant.
La commune de Besançon a confié la maîtrise d’œuvre d’un marché de construction à un groupement conjoint composé du cabinet 3 Bornes architectes, du BET Bellucci, du BET Sicre et de M. A…. Elle a, dans le cadre de ce marché, attribué un ou plusieurs lots à chacune des sociétés Axima concept, Sunwell technologies, Agathe système et Agathes.
Des désordres ayant été constatés, la commune de Besançon a saisi le tribunal administratif de Besançon d’un recours en réparation de son préjudice.
Par jugement du 12 mai 2016, confirmé par arrêt de la cour d’administrative d’appel du 30 mai 2017, le tribunal administratif a condamné in solidum le groupement à verser à la commune de Besançon diverses sommes puis, statuant sur les appels en garantie formés par les défendeurs, a réparti la charge indemnitaire finale entre les coobligés.
Après avoir payé à la commune de Besançon l’intégralité des sommes dues, la société Axima concept (membre du groupement) et son assureur ont saisi le tribunal administratif de Besançon, notamment, d’une demande tendant à la condamnation de la société Sunwell technologies, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 1317 du code civil[1], au paiement de sommes au titre de sa contribution à la prise en charge des conséquences de l’insolvabilité du cabinet 3 Bornes architectes et des sociétés Agathe système et Agathes.
Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif a sursis à statuer sur les demandes fondées sur le dernier alinéa de l’article 1317 du code civil et renvoyé au Tribunal des conflits la question de savoir si ces demandes relèvent ou non de la compétence de la juridiction administrative.
Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé et que le litige concerne l’exécution de ce contrat.
Le litige qui oppose les sociétés Axima concept et Sunwell technologies étant né de l’exécution du marché de travaux publics dont la commune de Besançon était le maître d’ouvrage, et ces sociétés n’étant pas unies par un contrat de droit privé, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l’action de la première contre la seconde fondée sur le dernier alinéa de l’article 1317 du code civil.
Dès lors qu’une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant, la juridiction administrative est également compétente pour connaître de l’action de la société XL Insurance Company, subrogée dans les droits de la société Axima concept, contre la société Sunwell technologies fondée sur le même texte.
Cocontractants condamnés in solidum à indemniser la personne publique – Action du codébiteur ayant payé l’intégralité de la somme dirigée contre un autre des codébiteurs (art. 1317 du code civil) – 1) Principe – Compétence administrative (1), y compris s’agissant de la contribution à la part d’un autre codébiteur insolvable
2) Cas de l’action subrogatoire de l’assureur de ce cocontractant – Compétence administrative.
Sociétés de droit privé, titulaires de lots dans le cadre d’un marché de travaux publics, ayant été condamnées in solidum à indemniser la commune maître d’ouvrage du préjudice subi en raison de désordres constatés dans l’exécution du marché.
1) Le litige qui oppose la société ayant payé l’intégralité de la somme due à la commune à une autre des sociétés codébitrices étant né de l’exécution d’un marché de travaux publics dont la commune était le maître d’ouvrage, et ces sociétés n’étant pas unies par un contrat de droit privé, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l’action de la première contre la seconde fondée sur le dernier alinéa de l’article 1317 du code civil relatif à la répartition de la part d’un débiteur insolvable entre les autres codébiteurs.
2) Dès lors qu’une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant, la juridiction administrative est également compétente pour connaître de l’action de la société ayant payé la commune, subrogée dans les droits de sa cliente, contre la société codébitrice fondée sur le même texte.
Lauranne Cuny.
[1] : Article 1317 Code civil : « Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part.
Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part.
Si l’un d’eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité ».