Par un arrêt du 22 décembre 2020, le Conseil d’Etat précise les cas dans lesquels le comportement de la personne publique révèle une résiliation tacite du contrat.

Une convention d’aménagement a été conclue le 13 février 1995 entre la commune de Plan-de-Cuques et la société Euphémie, aux droits de laquelle est venue la société Copra Méditerranée, ayant pour objet la création d’une zone d’aménagement concertée. Cette dernière prévoyait la réalisation de 94 logements exécutés en quatre tranches successives. A la suite de l’achèvement de la première tranche, la commune informe l’entreprise de sa volonté de mettre fin à l’aménagement en raison de la réalisation d’une étude hydraulique faisant état de risques d’inondation.

La société Copra Méditerranée introduit une requête devant le Tribunal administratif de Marseille tendant d’une part à l’engagement de la responsabilité de la commune du fait d’une résiliation tacite pour motif d’intérêt général, et d’autre part, à l’indemnisation du préjudice lié à cette résiliation.

Après que la cour administrative d’appel de Marseille ait confirmé le rejet de sa requête en première instance, le Conseil d’Etat, en cassation, clarifie l’appréciation du comportement non équivoque de la personne publique dans le cadre d’une résiliation tacite.

Si par principe la résiliation est expresse, ce n’est que par exception que le Conseil d’Etat a confirmé la résiliation tacite par la personne publique en affirmant « qu’en l’absence décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelle » (CE, 27 février 2019, n°414114, Seine Saint Denis). Il est important de rappeler que le comportement non équivoque de la personne publique empêche le cocontractant de solliciter du juge la reprise des relations contractuelles issue de la jurisprudence Bézier II.  

En l’espèce, telle n’est pas la demande de la société Copra méditerranée dès lors que cette dernière souhaite obtenir l’indemnisation de son préjudice lié à la résiliation.

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat rappelle dans son considérant n°6 les règles désormais codifiées par le Code de la commande publique, qui détermine les cas dans lesquels un acheteur public peut résilier un contrat ainsi que les modalités d’indemnisation du cocontractant (Art. L. 6 ; L. 2195-3 et L. 3136.3), notamment pour motif d’intérêt général.

Il ressort du cas d’espèce que la commune Plan-de-Cuques a alerté la société Copra Méditerranée de sa volonté de stopper l’aménagement en raison du risque d’inondation qui ressort d’une étude hydraulique réalisée au préalable. Le risque d’inondation caractérise ainsi un motif d’intérêt général.

Par la suite, le Conseil d’Etat identifie les éléments permettant de déceler la décision de mettre fin aux relations contractuelles « les juges du fonds apprécient souverainement (…) l’existence d’une résiliation tacite du contrat au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat, compte tenu de sa durée ou de son terme, ou encore de l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles »[1].

Il en résulte que le comportement non équivoque de la personne est alors soumis à l’appréciation in concreto des juges du fonds, dès lors que le juge de cassation est limité au contrôle de l’erreur de droit et à la dénaturation éventuelle des pièces du dossier.

Enfin, le Conseil d’Etat ne fait pas droit à la demande d’indemnisation du manque à gagner. En effet, pour prétendre à une indemnisation, le préjudice allégué doit être certain « en ce qu’il porte sur un minimum garanti » (CE, 10 octobre 2018, n° 410501, Dr Jocteur Franc).

Or, la société Copra n’avait réalisé que la première tranche des quatre prévues par le marché initial. De plus, leur exécution étant conditionnée par l’accord express des deux parties, le commencement des travaux n’a jamais été entrepris. Ainsi, le Conseil d’Etat déclare que le manque à gagner invoqué ne reposait sur aucun minimum garanti.

Par Inès-Kim MARONNAT


[1] Considérant n°3 – CE, 11 décembre 2020, n° 427616

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