Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 12/04/2022, n°452601

La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur a souhaité réaliser une opération d’extension et de réhabilitation d’un lycée à Gap. Dans cette optique, elle a attribué un mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée à l’Agence régionale d’équipement et d’aménagement (AREA) locale. Cette dernière a confié, par un acte d’engagement datant du 5 février 2014, la maîtrise d’œuvre à un groupement conjoint dont le mandataire est la société Agence d’architecture Frédéric Nicolas.

Or, au cours des procédures de réception de l’ouvrage, le contrôleur technique a émis un avis défavorable portant sur un bâtiment spécifique de ce lycée en date du 20 décembre 2017. En outre, il a réitéré cet avis le 4 janvier 2018 dans le rapport de vérification réglementaire après travaux. De ce fait, par un courrier du 15 janvier 2018, l’AREA a d’abord mis en demeure la société Agence d’architecture Frédéric Nicolas de procéder à la mise en conformité de l’édifice puis a néanmoins résilié pour faute le marché par une notification du 1er mars 2018.

Le différend a alors été porté à la connaissance du comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) des litiges de Marseille le 27 avril 2018 puis du tribunal administratif de Marseille dans le cadre d’un recours de plein contentieux dit « Béziers II » pour contester la validité de la résiliation et obtenir la reprise des relations contractuelles. Toutefois, la demande de la société Agence d’architecture Frédéric Nicolas a été rejetée par un jugement du 31 mars 2020 en raison de son caractère tardif. L’appel formé contre ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Marseille a également fait l’objet d’un rejet le 15 mars 2021.  

Ainsi, le Conseil d’Etat rappelle, en premier lieu, qu’un tel recours doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la partie a été informée de la mesure de résiliation et qu’il peut être accompagné d’un référé suspension au titre de l’article L.521-1 du code de justice administrative pour restaurer provisoirement les relations contractuelles. Ensuite, le juge administratif précise qu’un recours administratif exercé par le cocontractant pour contester cette mesure de résiliation – peu importe son motif – ne pourra interrompre le délai de recours contentieux en raison des spécificités du recours « Béziers II ». Enfin, si cette résiliation résulte d’une faute du cocontractant, alors la personne publique est dans l’obligation de permettre à ce dernier « de faire valoir ses observations avant l’intervention de cette décision ».

Après usage et examen de l’article 127 du code des marchés publics[1], du I de l’article 1er du décret n°2010-1525 du 8 décembre 2010 relatif aux comités consultatifs de règlement amiable des différends en lien avec les marchés publics[2] et de l’article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles issu de l’arrêté du 16 septembre 2009 portant sur son approbation[3], les juges du Palais-Royal estiment alors que la saisine du CCIRA ne permet pas l’interruption du délai contentieux pour introduire un recours « Béziers II » puisque la compétence pour connaître des litiges tendant à la reprise des relations contractuelles relève exclusivement du juge du contrat.

De plus, cette solution est appropriée dans la mesure où aucun principe ni aucun texte législatif ou réglementaire ne prévoit une obligation de recourir au CCIRA avant de saisir ce juge. Par conséquent, la société Agence d’architecture Frédéric Nicolas ne peut obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué.

 

Carole Koteira. 

[1] « Les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret […].

La saisine du comité suspend les délais de recours contentieux jusqu’à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité […]. ».

[2] « Les comités de règlement amiable mentionnés à l’article 127 du code des marchés publics ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés […] ».

[3] « Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s’efforceront de régler à l’amiable tout différend éventuel relatif à l’interprétation des stipulations du marché ou à l’exécution des prestations objet du marché. 

Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion.

Le pouvoir adjudicateur dispose d’un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision […].

Le pouvoir adjudicateur ou le titulaire peut soumettre tout différend qui les oppose à un comité consultatif de règlement amiable des litiges […] ».

 

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