Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 04/02/2021, n°445396

Les marchés publics passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité, par l’Etat ou ses établissements publics, sont définis à l’article L. 1113-1 du code de la commande publique. Cette catégorie regroupe :

  • les marchés ayant pour objet « la fourniture d’équipements (…) qui sont destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, qu’ils aient été spécifiquement conçus à des fins militaires ou qu’ils aient été initialement conçus pour une utilisation civile puis adaptés à des fins militaires »
  • les marchés ayant pour objet « la fourniture d’équipements destinés à la sécurité, y compris leurs pièces détachées, composants ou sous-assemblages, et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l’intérêt de la sécurité nationale ». 
  • « les marchés de travaux, fournitures et services directement liés à un équipement mentionné au 1° ou au 2° ».
  • « les marchés de travaux et services ayant des fins spécifiquement militaires ou des travaux et services destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l’intérêt de la sécurité nationale ». 

De par leur nature, ils détiennent un régime dérogatoire par rapport aux autres marchés publics du fait que le principe de l’allotissement n’est qu’une faculté[1]. Cependant, lesdits marchés sont soumis aux principes énoncés à l’article L. 3 du présent code. 

En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi par la ministre des armées à la suite de la décision du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion annulant la procédure de passation du marché public de « Prestations de gardiennage, d’accueil et de filtrage de sites militaires basés à La Réunion (activités privées de sécurité) » au motif que celui-ci aurait dû faire l’objet d’un allotissement ayant pour conséquence d’avoir lésée la société requérante (société Osiris Sécurité Run – OSR). 

Dans sa décision du 4 février 2021, le Conseil d’Etat confirma l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion relative à l’appréciation des conditions posées par l’article L.1113-1 du code de la commande publique sur la qualification d’un marché de défense et de sécurité, rejetant ainsi le pourvoi formé par la ministre des armées.

La Haute juridiction a considéré, en premier lieu, que le marché relatif aux prestations de gardiennage, d’accueil et de filtrage de trois sites militaires à la Réunion ne constitue pas un marché de défense au sens du 4° de l’article L. 1113-1 du code de la commande publique du fait que les informations accessibles au titulaire du marché font l’objet d’une « diffusion restreinte » mais ne sont pas des informations protégées ou classifiées dans l’intérêt de la sécurité nationale. De ce constat, le caractère de « contrat sensible », aux termes du premier alinéa de l’article 78 de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, ne permet pas de qualifier un marché de défense ou de sécurité défini à l’article L.1113-1 dudit code.

Par la suite, le marché, en l’espèce, n’étant pas un marché de défense et de sécurité, le Conseil d’Etat confirma la position du juge des référés en jugeant que le pouvoir adjudicateur ne justifiait d’aucun motif pour qu’il soit dérogé à l’obligation d’allotissement[2]. En effet, « les prestations faisant l’objet du marché en litige impliquent une présence physique sur des implantations géographiquement distinctes, distantes de plus de 10 kilomètres les unes des autres. La consistance de ces prestations diffère en outre en fonction des sites concernés », concluant à la nécessité de l’obligation d’allotir le marché en cause[3]. De ce constat, le Conseil d’État considère que le manquement à l’obligation d’allotissement était susceptible de léser un candidat évincé. 

Par Pauline LAGER

Le 3 mars 2021 


[1] Article L. 2313-5 du code de la commande publique. 

[2] Article L. 2113-10 du code de la commande publique.

[3] CE 23 juill. 2010, n° 338367, Conseil régional de la Réunion.

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