Par le Professeur François Lichère et Loanne De Saint Basile.

Lors de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, l’administration dispose de nombreux pouvoirs, notamment celui lui permettant de mettre fin au contrat de manière unilatérale. Plusieurs justifications sont possibles concernant cette résiliation : la faute grave du cocontractant, la force majeure, mais aussi l’intérêt général[1]. Se pose alors la question de quels sont ces motifs d’intérêt général et si l’irrégularité du contrat en est un.  En 1996[2], le Conseil d’Etat estime que des irrégularités résidant dans la rédaction du contrat constituent un motif d’intérêt général entrainant sa résiliation unilatérale par l’administration. Ce n’est ensuite qu’en 2013[3] que le juge reprend l’irrégularité, cette fois concernant une délégation de service public conclue pour une durée excédant celle prévue par la loi. Jusqu’alors, seule une application au cas par cas est réalisée concernant l’irrégularité du contrat, motif d’intérêt général valable pour résilier unilatéralement un contrat, dans la mesure où le juge n’admet en aucun cas que toute irrégularité puisse en justifier.

C’est par le présent arrêt de 2020 que la Haute juridiction pose le principe selon lequel seules les irrégularités « d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait e prononcer l’annulation ou la résiliation »[4] peuvent faire l’objet, sans saisine du juge, d’une résiliation unilatérale par l’administration elle-même. Le Conseil d’Etat précise en ce même Considérant et en application de la jurisprudence Béziers I[5], que la résiliation sera prononcée « sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles ». Une ligne de conduite est ensuite donnée aux cocontractants en vertu de la jurisprudence Jean Claude Decaux de 2008[6] selon laquelle ils peuvent prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de leurs dépenses « qui ont été utiles à la collectivité » ainsi qu’à « la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ». Ainsi, le mode d’emploi donné par le Conseil d’Etat engendre plusieurs enjeux que le Professeur François Lichère explique à travers ce podcast.


[1] CE, Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, n°32401

[2] CE, 10 juillet 1996, Coisne, n°140606

[3] CE, 7 mai 2013, Société auxiliaire des parcs de la région parisienne, n°365043

[4] Considérant n°3 : « Dans le cas particulier d’un contrat entaché d’irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge. Après une telle résiliation unilatéralement décidée pour ce motif par la personne publique, le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, pour la période postérieure à la date d’effet de la résiliation, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’est engagé. Si l’irrégularité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. »

[5] CE, Ass., 28 décembre 2008, Commune de Béziers, n°304802

[6] CE, Section, 10 avril 2008, Jean-Claude Decaux et département des Alpes-Maritimes, n°244950

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